Chromes et souvenirs

Dans la petite commune de Saint-Félix, nichée entre collines et platanes, le temps semblait suspendu le temps d’un week-end, lors de l’inoubliable Salon Rétro-Mécanique, événement devenu culte dans le sud-ouest pour tous les amoureux de la belle mécanique d’hier.

Installé sur l’ancien terrain de foire et dans les halles rénovées, le salon avait su recréer une atmosphère unique : celle des années 1950 à 1980, où l’automobile n’était pas seulement un moyen de transport, mais un symbole de liberté, de style et de savoir-faire. Les allées fleuraient bon le cuir ancien, la cire pour carrosserie et l’huile chaude, pendant que les haut-parleurs diffusaient des morceaux de jazz manouche et de twist vintage.

Un Musée Vivant aux Cent Visages

Plus de 120 véhicules exposés, des deux-roues jusqu’aux camions d’époque, en passant par les coupés italiens, les populaires françaises, les sportives anglaises et même un curieux prototype soviétique. Chaque véhicule avait son histoire, souvent racontée par un propriétaire passionné, parfois en bleu de travail, parfois en tenue d’époque, mais toujours avec les yeux brillants.

Parmi les pièces maîtresses de cette édition, on retiendra notamment une Citroën Traction Avant 11B de 1954 dans un état de conservation exceptionnel, accompagnée de sa documentation d’origine et des factures d’entretien soigneusement conservées. Non loin de là, une Jaguar Type E Series 1 de 1963 attirait tous les regards avec ses courbes sensuelles et son capot ouvert laissant admirer son moteur six cylindres. Les amateurs de motos anciennes n’étaient pas en reste, avec une superbe collection de Motobécane, Terrot et René Gillet qui rappelait l’âge d’or de l’industrie motocycliste française.

Les Ateliers : L’Âme du Salon

À côté des expositions statiques, on retrouvait les ateliers vivants, qui faisaient tout le charme du salon : démonstration de restauration de sellerie, de sablage, de martelage traditionnel, ou encore réglages moteur sur un vieux Solex capricieux. Une zone spéciale était réservée aux jeunes conducteurs, avec simulateurs, stands pédagogiques et même une mini-bourse aux pièces à petits prix.

L’atelier de sellerie artisanale connaissait un succès particulier, où maître Édouard, artisan depuis quarante ans, expliquait avec passion les techniques de couture à la main et le travail du cuir pleine fleur. Juste à côté, dans l’espace dédié à la mécanique, des bénévoles de l’association “Mémoire d’Otto” initiaient les plus jeunes au démontage et remontage d’un moteur de 4CV, sous le regard attendri des anciens qui retrouvaient là les gestes de leur jeunesse.

La Bourse d’Échange : Chasse au Trésor Mécanique

L’autre particularité de ce salon : sa bourse d’échange, où les pièces les plus improbables côtoyaient des affiches de rallyes des années 70, des plaques émaillées, des manuels d’entretien ou des volants en bois patiné. Certains collectionneurs y venaient uniquement pour ça, à la recherche de la pièce manquante pour compléter leur restauration.

On y trouvait de tout, depuis les joints de culasse pour Panhard Dyna jusqu’aux carburateurs double-corps Weber pour Alfa Romeo, en passant par les jauges à huile d’origine pour Simca Aronde. Les plus chanceux purent dénicher des pièces rares comme un compteur Jaeger pour Renault Floride ou une calandre complète pour Peugeot 404 cabriolet. Les transactions se faisaient dans la bonne humeur, entre spécialistes qui échangeaient autant les pièces que les conseils et les adresses de bons professionnels.

Un Héritage Qui Se Transmet

Mais au fond, ce que les visiteurs emportaient surtout, c’était une ambiance, un parfum de nostalgie joyeuse et partagée. Un moment hors du temps, où l’on prenait le temps de discuter, de se souvenir, et de transmettre une passion à la génération suivante.

Dans le coin réservé aux enfants, des ateliers pédagogiques permettaient aux plus jeunes de s’initier aux principes de la mécanique grâce à des moteurs didactiques et des maquettes fonctionnelles. Beaucoup de grands-pères en profitaient pour expliquer à leurs petits-enfants le fonctionnement d’un allumage par delco ou l’importance du jeu aux culbuteurs, perpétuant ainsi la flamme de la passion automobile.

Depuis, les moteurs se sont tus, les bâches sont retombées sur les carrosseries brillantes, mais les photos, les récits, et les sourires de cette édition-là restent gravés dans les mémoires. Une page de plus dans le grand album de la mécanique vivante, qui continue de s’écrire année après année, au rythme des rassemblements et de l’inépuisable passion des amoureux des belles mécaniques.